lundi 26 octobre 2009

Bientraitance ou maltraitance?

Au Luxembourg, 5.000 seniors vivent dans des maisons de retraite ou des maisons de soins. Il y a 20 ans, le motif de l'accueil institutionnel était souvent d'ordre social: isolement, logement inadapté ou mort du conjoint. Les maisons de retraite constituaient plutôt des "résidences" pour personnes âgées.

Aujourd'hui, les institutions admettent plus fréquemment des seniors dont la santé physique et/ou mentale est compromise. D'un côté, ceci s'explique par le développement de réseaux performants d'aide et de soins à domicile. D'autre part, les seniors actuels attachent une autre importance à leur liberté, leur autonomie et leur intimité.

Nos maisons de retraite qui depuis près de 20 ans sont étiquetées comme "centres intégrés pour personnes âgées" hébergent de plus en plus des résidents "fragilisés": très âgés, à mobilité réduite, affectés de pathologies multiples, souffrant à des degrés divers de démences. L'âge moyen des pensionnaires est en hausse. La durée moyenne du séjour institutionnel est en baisse. En 2008, selon les statistiques du Ministère de la Famille, près de 1.000 résidents sont décédés.

Dans leur accueil, les CIPA et les maisons de soins sont dans l'obligation de se "spécialiser" pour répondre correctement aux besoins des personnes démentes tout comme des seniors en fin de vie. Ce n'est pas toujours évident puisque les formations initiales ne préparent guère à ces missions. De même, au niveau de leur motivation professionnelle de départ, les jeunes médecins, soignants, thérapeutes ou travailleurs sociaux ne sont pas toujours trop "disponibles" pour faire face aux défis auxquels leur emploi dans les maisons de soins les confronte.

Ma journée de travail de ce lundi m'a amené à parler de politique au bénéfice des personnes âgées devant deux assemblées de seniors "multiplicateurs", engagés activement dans la vie politique et syndicale. Très ouverts au message qui était le mien - veiller à ce que la politique continue à garantir un accueil gérontologique et gériatrique de qualité - beaucoup de mes "participants" ont mis en cause certaines institutions et leur encadrement: effectifs trop réduits, manque de disponibilité, indifférence, motivation défaillante, soins sans égard notamment au niveau des personnes démentes, formes diverses de maltraitement voire de violence...

Le message est choquant. Comment faut-il réagir?

Il me tient à souligner que toute généralisation d'une appréciation négative serait fortement abusive. De nombreuses institutions au Luxembourg se distinguent par un standard très élevé au niveau de leur accueil et de leur soin. S'il ne faut surtout pas taire voire gommer les maltraitances, il serait tout aussi inadmissible d'ignorer les exemples de bonne pratique voire de juger sans discernement.

Une des clés de la qualité constitue la formation continue des personnels. De même, les ambitions, les objectifs, les grands principes et les stratégies d'action institutionnelles méritent d'être documentés formellement, par ex. dans des projets d'orientation ("Betriebsphilosophie").

La gestion qualité devient un nouveau défi au chef des gestionnaires et directeurs. Ce mécanisme d'auto-contrôle et de développement institutionnel doit impliquer le personnel, les "clients" tout comme leurs proches (surtout quand les clients ne sont plus en mesure de réagir eux-mêmes).

Par le biais de la loi dite ASFT, datant de 1998, le Gouvernement - le Ministère de la Famille en l'occurence - est en mesure de procéder régulièrement à des visites sur place pour vérifier que le fonctionnement du service répond aux exigences légales et réglementaires.

Depuis plusieurs années, une ligne téléphonique particulière a été institutée: 247-86 000, "Seniorentelefon", ouvert du lundi au vendredi, de 8.30 à 11.30 heures. Tout citoyen peut y demander des renseignments et conseils voire déposer des "plaintes".

Est-ce suffisant? A croire mes interlocuteurs d'aujourd'hui, il faudrait aller plus loin. Peut-on envisager des contrôles plus sévères, plus fréquents, plus intensifs, non annoncés préalablement? L'ampleur des moyens financiers publics investis justifierait la procédure. Faudrait-il faire faire des enquêtes de satisfaction dont les résultats seraient publiés?

S'il est légitime de mettre en cause les professionnels du métier, il ne faut pas pour autant omettre de responsabiliser les proches que nous sommes. Quand on passe le long des centres pour seniors, force est de constater que, souvent, les parkings réservés aux visteurs sont bien vides. Allez voir dans les halls de réception! Combien de résidents y guettent celles et ceux qui viendraient les voir? Ne risquons-nous pas, par moments, de considérer les maisons de soins comme des "dépôts" agréables qui nous permettent de nous "dédouaner" face à nos obligations?

Nos visites, nos passages, nos présences contribueraient à appuyer les bonnes volontés et les compétences de celles et de ceux à qui nous confions nos pères, mères, grands-parents, oncles, tantes, marraines et parrains.

A bon entendeur salut!

Schoos, le 26 octobre 2009.

Mill Majerus

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